Elle était jeune, elle était impertinente, elle était belle. Pleine de vie. Ses parents lui avaient enseigné leur deux cultures : l'irlandaise, l'africaine. De la joie à n'en plus pouvoir. Clarissa était la malice à l'état pur. Passionnée par tout, s'émerveillait d'un rien. Un vrai rayon de soleil qui aimait la compagnie des oiseaux eet l'art qu'était le théâtre. C'est à presque dix-sept ans qu'elle se lança dans l'aventure, souhaitant entrer dans une troupe de théâtre pour quelques temps, avant de commencer ses études à l'université.
Allan lui, était un professeur extrêmement brillant. Un professeur de théâtre. Il était doyen d'une filière comédie dans une des meilleures écoles d'Irlande. Et cette année là, il avait un choix à faire. Parmi ces vingt-neuf volontaires, il ne pouvait en sélectionner que douze seulement, grand maximum. Un choix qui n'avait jamais été difficile à faire pour lui. Il faisait ce métier depuis plus de dix ans, il savait reconnaître les talents, il savait ce qu'il voulait. Les choses lui paraissaient toujours de manière évidente, il était doué pour ça. Cette année, quelque chose avait changé. Il connaissait l'identité des douze futurs chanceux, nul doute là-dessus. Ce qui avait changé, c'est qu'il avait été pris de cours. Il ne pensait plus qu'à elle, elle s’appelait Clarissa si sa mémoire était bonne. En même temps, comment oublier un tel prénom. Ou plus simplement, comment oublier une telle fille, un tel talent. Il ne savait plus où il en était : était-il en train de craquer pour l'artiste seulement, ou aussi pour les beaux yeux de cette étrangère ? Elle avait un talent fou, un charisme particuliers, elle était devenue sa muse en seulement une heure. Ça, il ne pouvait le nier. En revanche, pour ce qui était du reste, il ne parvenait pas à assumer quoi que ce soit. Il préféra donc se concentrer sur son rôle de professeur, partant du principe qu'elle était la première sélectionnée, et il forma sa troupe. Il préférait se voiler la face, et se contenter de se délecter du plaisir que cela lui procurait. Le fait d'être enfin animé par une muse, découverte à trente deux ans seulement.
...
Les résultats avaient été transmis cinq jours plus tard. Folle de joie, Clary se jeta sur l'occasion. Malgré cet émoi, ce nouveau départ, et ces bonnes nouvelles, la belle n'en restait pas moins troublée. Troublée par l'admiration qu'elle portait à son nouveau professeur, une admiration sans limite qu'elle n'arrivait pas à définir. Sans raison, elle se sentait gênée vis à vis de son petit ami. Pourquoi donc ? Il n'y avait aucune raison à cela. Il s'agissait de son professeur de plus de trente ans, il lui enseignerait le théâtre, il n'y avait rien de malsain à cela. Même son petit ami, connu pour sa jalousie maladive, était heureux pour elle et n'y voyait aucune menace. Sauf que lui, il n'avait pas été là ce jour là. Il n'avait pas senti les regards entre professeur et élève. En attendant, les deux concernés firent l'autruche, et s'adonnèrent à leur passion : le théâtre. Les cours s’enchaînaient, deux à trois fois par semaine. Allan et Clarissa étaient de plus en plus bluffés par le talent et le charisme de l'un et de l'autre. Les répétitions étaient devenues un rituel. Ils apprenaient à se connaître, à se dompter, tout comme les onze autres comédiens. Beaucoup de travail, beaucoup de mémorisation, beaucoup de scènes et de pièces différentes. Ils travaillaient jusqu'à tard le soir, et Allan était un professeur très pointilleux. C'était une ambiance de travail agréable. Une fois tous les quinze jours, Allan aimait donner des cours spéciaux, c'est à dire un cours pour chaque élève. Un élève uniquement. Pour parler de ses forces, de ses faiblesses, de son évolution. Des points qu'il avait besoin de travailler pour progresser. Une manière, pour le professeur, de suivre chacun de ses comédiens avec attention. Durant les "cours personnels" de la belle égyptienne, Allan n'avait aucun reproche à lui faire. Il faisait tout pour être objectif, mais d'après lui, il l'était totalement. Et d'un point de vue objectif, elle était parfaite. Durant ces petits rendez vous, il en profitait donc pour lui donner la réplique, jouissant à l'idée de retrouver sa muse pour partager le goût du théâtre tel qu'il le voyait. Le troisième rendez vous personnel de Clarissa devait se baser sur le travail d'une scène de "Cyrano de Bergerac", une pièce d'Edmond Rostand. Il s'agissait d'un garçon intelligent, cultivé, un artiste sensible qui tomba amoureux de celle qu'il considère comme la femme de sa vie : la précieuse Roxane. Mais de peur de ne pas convenir à ses critères physiques, il se cacha derrière l'apparence d'un jeune homme au physique avantageux, lui soufflant ce qu'il avait à lui dire pour la séduire. A la fin, la jolie jeune femme découvre le pot aux roses, et avoue au jeune homme qu'elle l'aimait pour ce qu'il était, et qu'elle l'aurait aimé tout autant s'il s'était présenté tel qu'il était. Malheureusement, durant cette déclaration, Cyrano meurt dans les bras de sa belle. C'est dans la pénombre d'un jeudi soir, fin octobre, seuls dans la salle, que les deux passionnés se donnaient la réplique, jouant corps et âme la scène finale. Clarissa, intensément, affirma : "
Et pendant quatorze ans, il a joué ce rôle d'être le vieil ami qui vient pour être drôle ! C'était donc vous ! " ce à quoi le professeur répondit violemment, dans un élan de déni total : "
non, Roxane, non ! " mais tout paraissait clair aux yeux de Roxane. C'est dans une révélation puissante, émouvante, déchirante, que Clary fixa son jeu : "
J'aurais dû deviner quand il disait mon nom ! " elle aurait du le deviner avant, c'était une évidence. Mais l'homme s'entêta : "
Non ! ce n'était pas moi ! " la belle insista, et rétorqua, presque en hurlant : "
C'était vous ! " ce à quoi le bel homme répondit : "
Non. Je vous jure... " marchant à travers la salle, catastrophée, les mains sur la tête, elle se retourna brusquement vers son professeur : "
J'aperçois toute la généreuse imposture ... Les lettres, cette poésie, c'était vous... Les mots chers, aimants et fous, c'était vous... La voix dans la nuit, c'était vous ... " sa voix se faisait passionnante, tout fut une évidence. Elle l'observait, en attente d'une réponse : "
Non ! " elle s'approcha alors d'un pas : "
L'âme, c'était la vôtre ! " il mentit à nouveau : "
C'était l'autre ! " Elle fit à nouveau un pas. Le regardant droit dans les yeux, elle suivit à nouveau le texte en essayant de pousser Cyrano à dire la vérité, toute la vérité, mais en utilisant une nouvelle tactique : "
Vous ne m'aimez pas ? " sauf que cette phrase fut puissante. Autant dans le jeu, qu'en dehors. Les deux se regardèrent, et l'espace d'un instant, il ne s'agissait plus de Cyrano e Roxane, mais bel et bien d'Allan et Clary, et ce changement, tous les deux le sentirent. A croire que le texte rejoignait la vérité, et la discussion en venait à ce qui se passait réellement. Les paroles étaient plus sincères, plus vivantes, et l'atmosphère palpable. Ils continuèrent pourtant à jouer, mêlant théâtre et réalité dans une connexion qui leur était propre. Allan/Cyrano fixait la belle demoiselle, et, d'une voix qui faiblit, prononça un "
Non ... " peu assuré. Roxane/Clary se jeta sur cette hésitation : "
Déjà vous le dites plus bas ! " c'est alors qu'Allan s'approcha d'elle pour la première fois : "
Non, non, mon cher amour, je ne vous aimais pas " avait-il prononcé de manière langoureuse, la voix plus basse, tout en continuant sa route. Il s'arrêta, face à elle, à quelques centimètres, ne pouvant pas aller plus près. Ne quittant pas son regard, elle se risqua à faire le tout petit, dernier, pas que l'espace lui permit de faire. Yeux dans les yeux, trois centimètres les séparaient. Elle demanda alors, presque en chuchotant : "
N'aimez vous donc pas votre 'votre amour' ? ". Allan, de toute sa hauteur, ne voyait plus qu'elle. Ses longs cheveux bruns, son regard captivant, ses yeux en amende. Il en oublia son texte. Ou du moins, préféra l'oublier. Durant quelques instants au moins. Parce qu'à cet instant précis, il n'y avait plus de Cyrano, plus de Roxane. Seulement Clarissa et Allan. Seulement un professeur, et son élève. Un homme de trente deux ans, et une élève de dix-sept. Mais ça, à cet instant précis, il s'en fichait. Le texte lui disait de continuer à nier, continuer à jouer le personnage qui cachait ses sentiments pour la belle Roxane. Mais possédée par une frénésie incontrôlable, une pulsion des plus sincères, il chuchota passionnément, simplement : "
Oui, je vous aime. " Sa main droite se faufila sur la joue droite de la belle égyptienne, il rapprocha son visage du sien et l'embrassa avec ferveur. Emportés par leur baiser, ils s'embrassèrent avec passion durant un long moment, cédant enfin tous les deux à ce qu'ils ressentaient depuis le début. Les mains d'Allan s'accrochèrent aux cheveux bruns de la belle, tandis que les mains de cette dernière agrippait ardemment au cou de son professeur. Au bout d'un long moment, ils se détachèrent - presque à contre-cœur - et ne se quittèrent plus du regard. Longues secondes de silence. Que dire après cela ? inutile de se cacher derrière la nécessité de respecter le théâtre et les conditions de la pièce : la scène du baiser ne se trouvait nul part. Réalisant qu'Allan venait de lui dire qu'il l'aimait alors que cette phrase ne faisait pas partie de la scène, clarissa voulu répondre de même. Ironie du sort, la suite de la scène trouvait la réplique qui correspondait à celle qu'elle avait envie de dire à cet instant précis : je t'aime aussi. Pour lui faire comprendre cela, elle souria, telle une enfant, et passa une main dans les cheveux de son professeur : "
Je vous aime, vivez ! " elle trouvait la situation poétique, amusante. Cette manière qu'avait la réalité de se confondre avec les répliques de leur scène au bon moment. Et puis, c'était aussi une manière d'éviter de parler du baiser qu'ils venaient d'échanger. Une manière, également, de faire comprendre leur sentiment, et l'intérêt qu'ils portaient l'un pour l'autre depuis le début. Et ce malgré leur différence d'âge, malgré le lien d'autorité qui régissait leur relation à la base. Malgré leur différence culturelle. C'était une manière poétique d'englober tout ça. Une manière poétique, sensible, puissante, charismatique, passionnée, sincère, douce et complexe. Cela correspondait parfaitement à leur histoire, à la nature de leur relation. Amusé, Allan reprit son rôle, véritable professionnel qu'il était, tout en gardant cette petite flamme dans les yeux, tout en la regardant. Car oui, il avait bien saisi le message : elle l'aimait aussi. Durant une demie seconde, il avait même souri. "
Non, pitié ! car c'est dans le conte que lorsqu'on dit : Je t'aime ! au prince plein de honte, il sent sa laideur fondre à ces mots de soleil... Mais tu t'apercevrais que je reste pareil. " décidément, cette pièce était-elle fait pour eux ? La première fois, il lui avait fait jouer le rôle d'une femme aimant un homme beaucoup plus jeune qu'elle. A présent, après s'être embrassés dans une salle à l'abris des regards, un soir, il jouait le rôle d'un homme éperdument amoureux, qui avait peur que le charme se rompt si la réalité reprenait son cours. Cyrano redeviendrait laid et rejet de la société. Allan redeviendrait le professeur trop âgé pour elle. Malgré ses observations personnelles, il continuait à jouer le rôle. Il le jouait même à la perfection. "
J'ai fait votre malheur ! moi ! " reprenait la jeune égyptienne. Secouant la tête, aussi terrorisé par cette idée que l'était son personnage, Allan s'approcha de la demoiselle, glissant ses mains sur ses joues pour encadrer son visage : "
Vous ?... au contraire ! J'ignorais la douceur féminine. Ma mère ne m'a pas trouvé beau. Je n'ai pas eu de soeur. Plus tard, j'ai redouté l'amante à l'oeil moqueur. Je vous dois d'avoir eu, tout au moins, une amie. Grâce à vous une robe a passé dans ma vie. " Tout cela avait un sens. Un réel sens. Bien sûr qu'il en avait connu, des femmes. Bien sûr qu'il avait déjà eu des histoires. Mais jamais il n'avait regardé de femmes comme il l'avait regardé elle. Mais avec elle, c'était différent. Au-dessus. Jamais il ne s'était senti habité de cette manière. A trente-deux ans, il découvrit la passion la plus réelle, la plus sincère. Il se sentait presque coupable, honteux, de ressentir un sentiment si puissant pour une fille aussi jeune. "
Je vois. " cette réplique signifiait que Cyrano voyait la lune, voyait le ciel, et qu'il allait bientôt mourir. Il simula la mort, tandis que Clary le tenait dans ses bras, anxieuse à l'idée qu'il s'agissait là - déjà - de la fin de scène et que la réalité allait les rattraper. A croire qu'ils étaient tous les deux plus doués dans la comédie, à exprimer leurs sentiments derrière de faux semblants, pour éviter les peurs qui suivaient naturellement. "
Je n'aimais qu'un seul être et je le perds deux fois ! " Fin. Comme dit l'expression, "tombée du rideau". Et après ?
L'après fut plus compliqué. Ils l'avaient tous les deux envisagé, c'est pourquoi ils tentèrent d'aller au-delà de leurs sentiments. Les ignorer, en quelques sortes. Se bercer de fausses illusions en prétendant que ce n'était qu'un coup de folie, et que ça allait passer. Sauf que rien n'est passé. Les cours devenaient difficiles, tout était calculé. Le moindre touché pouvait provoquer une gêne. Alors qu'Allan était connu pour son professionnalisme et son excentricité. Dans le cadre de son cours, il se permettait tout et n'importe quoi, sans gêne. Avec Clary, ce n'était pas pareil. Par peur de flancher, par peur d'apprécier. Il était tellement dans le contrôle qu'il en venait à se demander s'il était bon professeur pour elle. Quant à la belle égyptienne, elle se sentait tout bonnement ridicule, à devoir prendre sur elle pour ne rien laisser paraître, pour oublier l'admiration qu'elle avait pour lui. Le plus difficile était de distiller les deux. En effet, avant de se séduire l'un l'autre, il ne faut pas oublier qu'il s'agissait là avant tout d'un énorme coup de cœur artistique. Clary était bourrée de talent, elle était la muse d'Allan. Ce dernier était, quant à lui, le meilleur professeur au monde, d'après elle. Charismatique, talentueux et incroyablement bon acteur. Ce coup de cœur artistique les aida à avancer, plaçant leur lien "professionnel" au dessus de tout. Mais le théâtre est un domaine passionnel, émotif, où aucune garantie n'est permise. Et leurs sentiments les rattrapèrent. Ils ne pouvaient pas se permettre d'annuler leurs "cours spéciaux", et ce pour deux raisons. Tout d'abord, ils ne laisseraient pas cette histoire empiéter sur le théâtre et sur le bon déroulement des cours, que ce soient les cours collectifs ou individuels. Et deuxièmement, cette attitude serait trop suspecte. Chacun de leur côté, sans s'être concerté, avait déjà peur du regard des autres et de ce qu'ils pouvaient penser. S'étaient-ils aperçus de quelque chose ? Pensaient-ils qu'il se passait quelque chose entre eux ? Jugeaient-ils que la belle avait droit à un traitement de faveurs ? En réalité, il ne s'agissait pas de cela. Les autres comédiens avaient remarqué l'intérêt que portait le professeur à Clary, certes, mais pour eux il ne s'agissait que d'un intérêt artistique, c'était évident. La petite chouchoute du professeur. Après tout, il en fallait bien une. Dans la mesure où tous s'accordaient pour dire que la belle brune avait du talent, c'est pourquoi ils ne s'indignaient pas de ce petit traitement de faveur, ils n'en voulaient ni à l'un ni à l'autre et les cours se déroulaient toujours dans la bonne humeur, une ambiance saine, au service de leur passion commune à tous. Donc clary, juste une chouchoute, et voila. Mais c'était tellement plus que cela. Les deux victimes s'en sont vite rendu compte. En effet, le premier mercredi du mois de décembre, elle se rendit à son cours individuel, la boule au ventre à l'idée d'être confrontée - une nouvelle fois - à Allan, seul. Ce dernier lui avait préparé une scène de Roméo et Juliette. Qu'il était difficile de garder ces distances quand toutes les pièces de théâtre parlent, de près ou de loin, d'amour ... Néanmoins, pleine de bonne volonté, la jolie brune donna le meilleur d'elle-même pour lui donner la réplique. En parfaite Juliette, elle brûlait d'amour pour son Roméo. Sauf que quelque chose la déstabilisait : Allan assis, près d'elle, la fixant si intensément qu'elle avait du mal à incarner le personnage : "
Les messagers d'amour devraient être des pensées, plus promptes dix fois que les rayons du soleil, qui dissipent l'ombre au-dessus des collines nébuleuses. Aussi l'amour est-il traîné par d'agiles colombes ; aussi Cupidon a-t-il des ailes rapides comme le vent. Maintenant le soleil a atteint le sommet suprême de sa course aujourd'hui ; de neuf heures à midi il y a trois longues heures, et ... " elle soupira, bien top perturbée pour continuer. Elle lui demanda presque sèchement, malgré elle : "
Arrête de me regarder comme ça " c'était la première fois qu'elle le tutoyait. Sincèrement surpris, Allan ne comprit pas du premier coup : "
Te regarder comment ? " N'en avait-il donc plus conscience ? Fuyant son regard, Clary répondit : "
Comme un chien qu'on emmène à la fourrière ! J'arrive même plus à comprendre ce que je lis ! " elle posa les feuilles sur la table, tandis qu'il restait silencieux, comprenant très vite de quoi elle parlait. Il ne pouvait s'empêcher de la regarder ainsi, et ce même sans s'en rendre compte. Il savait très bien de quoi il s'agissait. Il soupira à son tour, passant nerveusement sa main sur sa nuque. Donc, ça ne partait pas si facilement. Il ne savait plus quoi faire. Il se leva, retrouvant l'adolescente qui s'était déjà levée entre temps. Il se posta derrière elle, tandis qu'elle lui tournait le dos, et il chuchota d'une voix inquiète : "
Qu'est ce qui nous arrive, Clary ? " Première fois qu'il l'appelait par son diminutif. Enfin il mettait quelques mots sur la situation. Sentant son souffle derrière elle, l'irlando-égyptienne ferma les yeux une demi-seconde. Elle n'avait pas de réponse à cela. En un rien de temps, elle se retourna, et posa ses lèvres sur celles d'Allan. Après ce doux, mais court baiser, elle se recula, se contenta de le regarder. "
Je ne sais pas, Allan ... Je ne sais pas. " timidement, elle posa sa main sur celle du professeur : "
Ce que je pense, c'est que ... ça vaut le coup " elle releva le regard vers lui, alors que le professeur cru défaillir. Il avait peur. Malgré tout, il posa à son tour ses lèvres sur celles de la brune, l'embrassant durant un long moment, avant de regrouper le peu de volonté qui lui restait pour sèchement y mettre fin. "
Non attends ... Nous ... Enfin, je ne peux pas faire ça ... " elle demanda alors : "
tu ne peux pas quoi ? " d'une voix douce. "
Tout ça. Tu as dix-sept ans ... Seulement dix-sept ans. Je suis ton professeur et je ne dois pas, c'est comme ça " de ses yeux de biche, elle l'observait. Il avait autant de mal qu'ele, au fond. Elle le sentait : "
Tu ne dois pas ? " sa voix était douce, presque chuchotée. Et comme toujours, ce petit accent à peine audible. "
Je ne devrais pas ... " sa volonté s'amenuisait, au point que l'impératif se transformait en conditionnel. Il ne parvenait pas à retrouver sa bonne volonté, face à son regard noisette et ses mimiques : "
Arrête de me regarder comme ça " il reprit avec humour la phrase de Clarissa, qui lui avait été destinée cinq minutes plus tôt. Mais en y réfléchissant, tout ça était si mal ? Il aimait tant son regard, cette petite étincelle qu'elle lui réservait. Elle avait presque dix-huit ans, elle était tout juste une juste adulte, à peine sortie du lycée, mais lui, la voyait comme une femme, et bien plus encore. Ce sentiment là ne comptait-il pas ? Dépendant de son regard, abandonnant toute idée de rébellion, il lui déclara : "
Non. Finalement, continue. Regarde moi comme ça. Et ne t'arrête jamais. Jamais ... " et il l'embrassa une nouvelle fois. C'est sur ces mots qu'élève et professeur couchèrent ensemble pour la première fois.
Tout est allée si vite. Une bague de fiançailles. Trois ans d'études dans la littérature. Des cours de théâtre. Un corps de femme. Puis, l'enfer. A seulement vingt et un ans. Elle si douce, elle si belle. Elle qui s'est faite aimée d'un artiste. Elle qui vient de loin, elle qui a cette lueur dans les yeux, cette petite chose, ce supplément d'âme qui fait ce qu'elle est : une perle rare, cette clarissa. Cette fille-là est un ange. Et pourtant, elle, à l'instant, elle se trouve derrière cette barre. La barre du palais de justice. La barre de la cour. La barre qui fait d'elle une criminelle. Elle a des cicatrices, des hématomes, sur son visage. Elle cherche à peine à se défendre, les yeux fatigués par les longues nuit à pleurer. Et toi, tu continues à chercher ses faiblesses. Tu affiches ses fausses intentions, et même sa vie privée publiquement, au monde entier. Tu l'as détruit plus qu'elle ne l'est déjà, et sa sentence tombe. Quinze ans. Menottes aux poignets, on l'a amenée loin de tout. Coupée du monde. Personne n'a jamais su ce qui s'était réellement passé. Beaucoup aiment parler sans même connaître la base de l'histoire, les commérages. Certains aiment la défendre, d'autres sont persuadés qu'elle est coupable. Vraiment ? Un ange, auteur d'un meurtre ? Un homme d'une trentaine d'années mort, Nolan. Nolan qui ? Peu le savent. En est-elle réellement la cause ? A vous de choisir votre camp.
Quatorze mois seulement après son incarcération, de mystérieuses preuves sont apportées, et assureraient son assurance. Dossier clos. Mais une vie a été brisée, la sienne. Elle ne sera jamais plus comment avant, et ça, Allan commence à le comprendre. Leur histoire trouve la fin, ils ne se retrouvent plus. Et à vrai dire, le retrouver n'est pas un projet de Clarissa.