J'étais assis dans un avion qui me menait vers New-delhi « I can't make you love me » de Bon Iver soufflant la mélancolie dans mes oreilles. Pour la première fois que je partais, ce voyage ressemblait à un au revoir. Au début mes nerfs frémissaient d'excitation à l'idée de partir seul, chasser mes rêves au bout du monde et puis j'étais là, l'envie comme disparue, une impression que je ne faisais que réaliser en retard une crise d’adolescent en mal du monde que j'avais étouffé.
« Bonjour » je dégagea une de mes oreilles en me tournant vers la voix, une jeune femme d'à peine 20 ans se tenant devant moi, je ne vis qu'un sourire sur un visage, un sourire qui m'a fait ressentir chacune de mes entrailles, engourdissant mon ventre.
« Bonjour » j’articulai en essayant d'avoir l'air naturel même si j'étais physiquement incapable d'endormir mes sens.
« Est-ce que la place est libre ? J'ai été surclassée et je n'ai pas trouvé d'autres places libres.. ». Son visage se transforma en moue embarrassée et je pris contre moi mon mac book pro que j'avais laissé sur la place vide
« J'vous en prie. » Je la laissa prendre place, m'attardant sur des détails d'attardés, des choses dont on ne parle pas mais que je ne peux pas m'empêcher de scruter comme si toute sa vérité allait s'offrir à moi par un coup d'oeil.
Et c'était là. C'était le moment. Tu l'as jamais connu ce « wow » que fait ton cœur quand tu vois une personne pour la première fois, qui te coupe les jambes, qui détraque ton corps en un fraction de seconde. Tu te demandes si c'est réel, si ce que tu vois est bien là, si t'as pas pris un coup sur la tête qui t'as plongé dans un délire fantasmagorie ou tu aperçois ce que t'as toujours voulu, la femme que t'aurais imaginé si on t'avais demandé de créer la femme parfaite. Cette envie folle et sans pudeur, qu'une inconnue de la dernière heure vous embrasse à en perdre la raison, ce souffle intérieur sans fin et violence qui vous donnerais envie d'implorer ciel et terre pour une nuit avec elle, et puis après t'en arrive à vouloir une vie avec elle, ou une vie pour elle, tu sais même plus. Ça fait une sorte de clique, de boom, un bruit qui s'engouffre en toi et qui devient toi. Tu le sais qu'il est là parce qu'à chaque fois que tu la vois, ça fait encore clique, ça fait encore boom. Ton corps c'est devenu la machine détraqué, qui si tu osais te l'avouer, est le sous-fifre d'un truc qui plus grand que le désir. Tu le nommeras pas toute suite, mais entre toi et moi on sait très bien ce que c'est.
"un an, 365 jours, pas un de plus, pas un de moins et quand ce jour arrivera, on fera comme si tout ça n'avait jamais existé, deal ? "
[...]
« Me dis pas que tu m'aimes ?» « Peut-être, non ? » « Non, ce qu'on vit là, c'est pas ça » Je l'embrassa pour la faire taire, mes sentiments en place je savais pertinemment que si cette année n'avait pas réussi à me faire tomber amoureux d'elle, alors il était impossible qu'un matin je me réveille changé. Aucune fille n'aurait été capable de supporter une année aussi intense, le cœur au bord du vide, savant pertinemment que la fin était inévitable.
Et pourtant. C'est ce que j'aimais le plus chez elle, après ce sourire du premier jour, c'est qu'elle ne m'ait jamais reproché de ne pas avoir su l'aimer, de ne pas avoir fait de scène, de ne pas s'être jetée à corps perdu avec un autre pour essayer de me faire réagir. On a vécu ce qu'on devait vivre, sans se poser de question, sans imaginer un lendemain, en supposant même que chaque jour était le dernier, et qu'avec ou sans amour, c'était l'un contre l'autre qu'on arrivait à se sentir heureux, enveloppés par la nuit, nos souffles déraillant dans l'infinie qui semblait se promettre à nous. Zoé ce fut la première chose que j'eus rien que pour moi. Mon frère était aux autres, mes affaires étaient gratifiés de deux propriétaires, je n'ai jamais eu aucun mal à tout partager avec mon frère, mais les faits sont ce qu'ils sont, je n'avais jamais rien possédé. Zoé fut cet engrenage qui m'amena à être celui que je suis aujourd'hui, à faire de moi un être possédant. Parfois tu veux juste une personne pour toi, même si ça ne dure pas, même si le temps en viendra à bout. Quelqu'un qui n'a jamais aimé quelqu'un d'autre que toi, tu veux être celui qui fait trembler ses yeux, celui fait battre son cœur à une vitesse folle, te rendant fière quand tu sens ses battements dans le creux de ta main. Zoé c'était ça pour moi. Celle qui ne voyait que moi et que par moi, celle qui me faisait me sentir homme, utile, présent et parfois même humain.
[...]
Je me souviens de la fin de notre voyage, les images imprimées dans ma tête ont toujours les mêmes couleurs, elles n'ont pas vieillis d'un jour. C'était cet instant décisif ou on réalisait tout les deux que les jours s'étaient transformés en semaines, les semaines en mois. J'avais tenté de faire des portraits dérobés d'elle mais j'avais sur ma pellicule des paires de mains qui brouillaient la vue. Elle m'avait confisqué mon appareille en se dandinant avec malice m'interrogeant sur mon obsession à vouloir lui donner l’immortalité «
Dans le cas ou tu me quittes avant la fin, j'aimerais avoir un moyen de me souvenir de toi » « Je te quitterais pas ! » Elle riait en prononçant chaque mot, quelque chose d'enfantin dans le fond de sa voix qui se cassait sous les rires.
« Oh Zoé sans toi je ne vis pas » je la regardais l'ironie dans les yeux, me moquant ouvertement de ces gens qui vivent par amour. «
et moi sans toi, je ne vivrais plus jamais » Elle ne riait plus, elle était immobile face à moi un rictus sur ses lèvres, qui m'accusait d'être fâché avec le romantisme
« Il ne te reste plus que deux mois à vivre alors » « Tais-toi Nathan, tu parles trop » je souris de fierté, mon menton se levant un peu pour exposer ce sourire. Finalement c'est une éclipse de tendresse que je vis dans son regard agacé, et ses lèvres sur les miennes, et mes mains sur son cou, et son pouls tambourinant contre mes doigts et le monde qui encore une fois s'évanouissait autour de nous.
"Et moi qui croyait que j'étais pas comme il fallait
Qu'il fallait que j'tire une croix, qu'tu voulais plus, qu'tu voulais pas."