IRELAND, DAY 1. Arklow, Irlande. Ugh. On essaie de me convaincre de venir dans cette ville depuis mes six ans et j’ai toujours réussi à éviter sous des prétextes débiles comme un rhume ou des examens deux mois plus tard. Je ne sais pas réellement ce qui est passé par la tête de mon oncle au moment où il a acheté une maison d’hôtes dans ce bled paumé. Je ne sais pas non plus ce qu’il m’a pris lorsque j’ai accepté de m’en occuper pendant un an. Quitter Broadway pour venir s’enterrer ici… Il faudrait être fou. Mais il parait que je le suis. Et au fond, ce n’est pas si malheureux. Carolyn est là, elle aussi. Mais quand même. Basile, mon cousin, aurait pu se bouger. C’est son héritage quand même. La maison d’hôtes dont je dois m’occuper est horriblement décorée. Le but était certainement de faire cosy campagnard mais le résultat donne plus ringard et vieillot qu’autre chose. C’est à vomir. J’ai heureusement deux semaines avant l’ouverture. On va pouvoir faire des améliorations. Comme virer tous les tapis de grand-mère sans exception. Et passer un coup de peinture partout. Et virer les puces des lits. Je deviens médisant, il n’y a pas de puces dans les lits. C’est bien la seule chose correcte dans cet endroit.

IRELAND, DAY 15. La maison est enfin finie. Ça ressemble enfin à quelque chose. Caro dit que tonton va me tuer quand il va voir ce que j’ai fait de sa baraque. Je vois pas pourquoi, c’est joli les rideaux roses. Les gens adorent critiquer mon talent. Je suis habitué maintenant. Mais je sais que je suis meilleur qu’eux pour à peu près tout, la métallurgie et la menuiserie mises à part peut-être. Et encore. Je suis sûr que je me débrouillerais. C’est ça le talent. Enfin bref. Nous avons ouvert ce matin et ça a plutôt bien marché. Il faut dire que la cuisine est un autre de mes nombreux dons et que ce que je leur ai concocté était bien loin d’un vulgaire mcdo. Je suis assez fier de moi. Ça n’a rien à voir mais hier, une voisine m’a engueulé parce que j’ai fait mes vocalises à 7 heures du matin et qu’elle a cru que quelqu’un mourrait. J’ai failli la tuer, heureusement que Caro est là. Elle a fini par s’excuser et par me dire que le problème n’était pas le fait que je chante bien ou mal mais le fait que ce soit très aigu qui faisait penser à quelqu’un sur son lit de mort. Caro lui a sauvé la vie une deuxième fois. Si vous entendez un cri aigu un de ces jours, ce n’est pas moi qui chante, c’est moi qui tue la vieille d’à côté.

IRELAND, DAY 33 : j’ai rENCONTRE QUELQU’UN !!!!!!! Il présente un certain nombre d’avantages esthétiques. Il est pianiste, ce qui est parfait puisque j’avais besoin de quelqu’un pour me faire répéter. Et il est a-do-rable. C’est la première fois que j’ai un mec cela dit. Ma bissexualité n’est une surprise pour personne et j’avais déjà vu le loup. Mais c’est la première fois que j’ai un copain. Paul est énervé. Il m’a dit que c’était lui le gay de la famille et que je ne pouvais pas lui voler ça. Je le comprends un peu, on a toujours eu du mal à trouver nos identités tous les deux. Quand tout le monde vous appelle Paul alors que vous êtes Camille c’est perturbant. A fortiori quand c’est une vieille tante qui dit « Mais non Michel, ce n’est pas lui le jeune homosexuel », c’est fatigant. En l’occurrence, je suis un jeune homosexuel aussi maintenant. Je me trouve assez cool.