• Notre famille, la famille Storan est tout ce qu'il y a de plus banale, du moins nous sommes une de ces familles, en apparence, heureuse et solidaire, une famille qui se serre les coudes en cas de coup dur, une famille qui fonctionne, sans problème, où la constance est inscrit dans nos gênes. Notre famille habite de depuis toujours Arklow cette ville où nous sommes tous nés, mon frère, ma soeur et moi et que je connais par coeur. J'aimerai m'y échapper, m'enfuir ailleurs, visiter des pays, d'autres états, voir d'autres horizons, mais nous n'avons pas les moyens et puis où irais-je? Je n'ai que Arklow. J'y ai grandi, j'y ai évolué. J'y ai mes attaches.
• Ma mère et mon père sont très croyants, nous avons été élevés avec les valeurs fidèles à l'église catholique. Nous sommes membres de la paroisse, enfin... ma mère l'est plus que nous tous réunis. "Seul Dieu nous sauvera" dit-elle. En attendant le jugement dernier, nous allons à l'église touts les dimanches, sans faute et faisons nos prières à chaque moment de la journée que la Bible recommande. J'ai tendance à oublier parfois que je suis en vie, que je suis maître de mon destin et non guidée par cette toute-puissance... je suis en quelque sorte déshumanisée. Nous sommes appréciés du quartier, et n'avons eu depuis notre installation à Arklow aucun différend avec le voisinage ou habitants. Nous sommes de bons citoyens, et aimons du mieux que nous pouvons notre ville, notre pays. Mon père a déjà été élu député de la région de la qui entoure Arklow. Oh, il ne faisait pas grand chose, il donnait son avis sur des lois, des décrets puis revenait à la maison. Nous ne roulons pas sur l'or, nous avons de quoi manger, et nous n'avons pas à nous plaindre de notre condition de vie, le seigneur est clément.
• Ma mère, notre chère mère, n'est pas ce qu'on peut appeler une femme des temps modernes comme on peut en voir dans les rues de la ville, smartphone à l'oreille conduisant une décapotable. Elevée dans un internat tenu par des bonnes soeurs son éducation est ce qui fait d'elle une femme très croyante pourtant elle se montre froide, stricte, autoritaire, presque tyrannique. Pour elle, les règles sont les règles et il est hors de question de le transgresser. Je ne vous raconte pas les crises qu'elle peut faire face à la décadence de Arklow... Malgré ce caractère forgé depuis des années sous le couvent, aux premiers abords, notre mère semble joviale, ouverte et amicale ; enfin elle l'est mais à la maison c'est tout autre chose. Mieux vaut pas la contredire et exécuter son premier ordre si on ne veut pas se faire punir en retour.
• Quant à notre père, il avait tout pour trouver une femme plus calme, plus aimante tant sa gentillesse est sans fin. C'est l'homme le plus généreux et attentionné que je connaisse, mais allez savoir ce qu'il s'est passé ce jour-ci, le jour de leur rencontre avec ma génitrice, ce qui a pu bien passer par la tête de mon père... Bientôt 30 ans de mariage et mon père l'aime comme au premier jour, à croire qu'ils se sont mariés hier, cette étincelle dans ses yeux persistent à chacun de ses regards à l'égard de ma mère. Mon père a toujours été là pour moi, et même pour touts ses enfants d'ailleurs. Je ne le considère pas comme un père mais comme mon modèle, je ne lui vois aucun défaut, si ce n'est celui d'être marié à ma mère... mais je n'ai pas mon mot à dire là dessus, après tout, si leur couple fonctionne ainsi tant mieux... Pourtant j'aimerai que mes parents se séparent, notre vie serait peut-être plus calme, moins oppressante et mon père qui sait, peut-être plus heureux ?
• Voilà bientôt 23 ans que je vis à Arklow, dans ce trou comme je l'appelle. Arklow pour moi est morte. Vous aurez beau dire tout ce que vous voulez, Arklow est loin d'être la ville des cartes postales avec des sourires sur touts les visage, et les âmes qui èrent sont toutes damnées. Et je meurs un peu plus chaque jour en restant dans ces rues, à les arpenter alors qu'aucune bâtisse n'a de secret pour moi. Et pourtant, nous qui étions si respectueux et respectant à la ligne les commandements de notre bible, et que les pécheurs de Arklow continuaient de vivre leur vie décadante, nous venions d'être frappé d'un drame... Est-ce Dieu qui nous punissait ?
• Satyn, la benjamine de la famille, notre petite sœur a disparu depuis bientôt 3 semaines maintenant. Notre mère a perdu tout espoir de la retrouver vivante et a baissé les bras bien trop rapidement à mon goût. Quelques jours avaient eu raisons de sa peine et aujourd'hui, elle ne parle plus que de ma soeur au passé, comme si elle n'allait jamais revenir. Ma mère ne se bat pas pour ses enfants, mais elle se bat contre la vie. Il est hors de question qu'elle souffre pour nous. Elle ne veut plus parler de Satyn, et refuse qu'on aborde ce sujet en sa présence. Sa fille pour elle est morte. Notre père, lui, continue de chercher jour et nuit sa dernière fille et ne perd pas espoir. Il passe ses nuits dehors à chercher avec sa lampe torche dans les bois, à la recherche de Satyn vivante ou morte, peu importe, il veut la retrouver. Il ne dort pas, la journée, il arpente les rues, frappe aux portes pour récolter quelqu'informations que ce soient. Il se bat contre la mort, contre cette tragédie qui nous a frappés. Nous ne voyons plus notre père, il est constamment en cavale, à espérer trouver notre soeur, partie si jeune et nous assistons impuissants à la dégradation de sa santé. Que pouvons-nous faire ?
• Notre grand frère, Shwan, policier dans la ville de Arklow n'a pas été affecté à l'affaire de disparition de notre soeur. Comme cela touchait à sa vie privée, il a plutôt été mis sur les cas de trafique de drogues, courant à Arklow. Et malgré sa mise à l'écart de l'affaire de l'enlèvement de notre soeur, Shwan ne peut s'empêcher de s'emmêler. Fouillant dans les dossiers de l'enquête, allant chercher avec notre père après ses heures de patrouille... Il reste fort et ne montre aucune faiblesse, bien que je devine aisément sa tristesse depuis la disparition de notre cadette.
• Moi, que dire de moi ? Je suis une jeune fille discrète, patiente, attentionnée, qui n'ose pas trop s'imposer. J'ai toujours été une enfant aimée, chérie par ses deux parents, enfin plutôt mon père puisque ma mère ne porte d'amour pour personne à part pour elle même et Dieu. Je n'ai, en apparence aucun traumatisme ou choc durant mon enfance me donnant les plus belles bases pour l'avenir et pourtant... tout le monde garde ses secrets. Je n'avais que 8 ans et j'ai été propulsé dans le monde des adultes précocement, sans même donner mon consentement. La pire des expériences... Le frère de mon père, mon oncle, était un homme pour lequel je vouais une grande admiration. Capitaine de police, il avait cet aura que je n'ai retrouvé chez personne d'autre, ajouté à cette gentillesse fidèle aux Storan. Tout s'est passé un soir de Thanksgiving, un soir qui se promettait d'être heureux et pourtant, mon oncle a abusé sexuellement de moi... je n'avais que 8 ans. J'étais une gamine, je ne savais pas ce qu'il faisait, je ne savais pas ce que cela signifiait, je ne savais pas comment réagir. J'en garde des souvenirs douloureux, mais seulement quelques images... j'imagine que mon subconscient a fait son boulot, que je suis dans le dénie de ce qu'il s'est passé ce soir-là. Huit ans, je ne savais pas si cela était normal ou pas et j'avais essayé d'en parler à mes parents qui ne ont ris, pensant à une blague, une invention d'une gamine perturbée par ses cousins. Ils ne m'ont pas cru ni la première fois, ni la seconde. Était-ce parce que j'avais mal abordé les choses avec mes mots de fillette, m'étais-je mal fait comprendre ? Quoi qu'il en soit, désormais, ce douloureux souvenir est enfoui quelque part dans un coin de mon crâne et n'en sortira pas, personne n'a besoin de savoir cela. Depuis, mon oncle est parti vivre en Ohio, suivant ma tante dans ses déplacements professionnels.
Je reste forte.
La disparition de ma sœur me peine beaucoup, mais je tente de rester forte et de ne pas m'effondrer devant mes parents, mon frère... J'essaie tant bien que mal de chercher pendant son temps libre des traces de ma sœur. Satyn était un trésor et refuse d'admettre de l'avoir perdue. Mais depuis l'enlèvement de Satyn mon père refuse désormais que je quitte la maison après la nuit tombée. Alors, je me réfugie sous mes draps, là où je sais que rien ne m'arrivera, où les problèmes s'enfuient. Satyn, où es-tu ?
Je manque cruellement de confiance en moi et pourtant, ce garçon m'obstine. Arthur..