Petit, j’avais peur d’affronter le monde réel, j’avais peur des monstres, des fantômes, des camions poubelles, je n’avais qu’une envie, ne jamais sortir de chez moi. Durant mes années d’école primaire, j’avais le droit à des cours particuliers, mes parents ayant des professions comportant des horaires complexes, ils préféraient que je sois toujours à la maison en cas de problème. J’ai toujours été un bon élève, l’école ne m’as jamais posé de problème, j’adorais les professeurs qui venaient m’enseigner toute sorte de choses chaque jour. Mais les cinq années sont vite passées, mes parents avaient pris la décision de m’envoyer en collège privé pour assurer ma socialisation, je me souviens des caprices, des angoisses, des crises de panique, j’étais un enfant peureux, un enfant qui n’avait pas connu la vie comme mes autres camarades, les seules fois où j’allais dehors, il s’agissait de sortir dans le jardin pour jouer sur la balançoire. Il a bien fallu que je me lance, avec une énorme anxiété mais je l’ai fait, j’étais solitaire, faible et terrifié, il n’y avait qu’une personne dans ma classe qui osait me sourire ou bien s’assoir à côté de moi en classe, Sady. Malgré sa gentillesse je ne lui parlais pas, je baissais les yeux quand elle était là, je restais ce garçon peureux. Puis un jour le déclic, j’ai surpris la brute de la classe s’en prendre à Sady, j’appréciais beaucoup la jeune fille, c’est sans doute pour cela qu’une dose d’adrénaline s’empara de moi, je suis parti la défendre, moi Eden, Eden la trouille, Eden le faible. « Dégage de là et laisse là tranquille ! » C’était la première fois que j’haussais le ton, un rire gras, c’est tout ce qui se dégagea de la bouche de l’idiot en face de moi, et puis mon poing parti sans crier gare, ce jour-là j’ai compris qu’il ne fallait pas que je baisse les yeux, que je ne devais pas être un lâche, depuis ce jour-là je garde la tête haute, même si ce jour-là en plus d’avoir pris de l’assurance, j’ai pris une sacré baffe de mon père quand il a appris que j’étais exclu du collège, je n’ai plus jamais revu Sady, ni la brute, ni personne.


J’ai à présent 23 ans, je ne vis plus chez mes parents, je ne vis plus à Belfast d’ailleurs, il y a maintenant six mois que j’ai déménagé à Wexford pour le travail, je suis pompier, je pense que depuis l’incident du collège, j’ai toujours eu en moi ce besoin d’aider les autres, de les sauver des situations où ils ne peuvent pas se débrouiller seul. J’aime ma vie actuel, même si je suis en froid avec mon père qui n’accepte toujours pas de se faire à l’idée que oui, son fils unique est bel et bien pompier et non pas avocat ou chirurgien, j’ai appris à vivre la vie comme elle venait, de me soucier simplement de mon présent car le passé est déjà écrit et le futur incertain. J’aime vivre dans mon petit appartement au centre-ville, j’aime ne pas savoir quelle mission m’attend durant mes heures de service, j’aime retrouver mon lapin et mon chat quand je rentre chez moi, je n’ai plus peur des monstres, je n’ai plus peur des fantômes et je n’ai plus peur également des camions poubelles. Malheureusement je n’ai toujours pas revu Sady.